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Ainsi se réalisa un véritable miracle historique, ce qu’on peut appeler le règne des philosophes. C’est le moment d’étudier ce qu’un tel régime favorisa, ce qu’il abaissa. — Il servit merveilleusement aux progrès sociaux et moraux ; l’humanité, la douceur des mœurs y gagnèrent infiniment ; l’idée d’un État gouverné par la sagesse, la bienveillance et la raison fut fondée pour toujours. Au contraire, la force militaire, l’art et la littérature subirent une certaine décadence. Les philosophes et les lettrés étaient loin d’être la même chose. Les philosophes prenaient en pitié la frivolité des lettrés, leur goût pour les applaudissements[1]. Les lettrés souriaient de la barbarie du style des philosophes, de leur manque de manières, de leurs barbes et de leurs manteaux. Marc-Aurèle, après avoir hésité entre les deux directions, se décida hautement pour les philosophes. Il négligea le latin, cessa d’encourager le soin d’écrire en cette langue, préféra le grec, qui était la langue de ses auteurs favoris.

La ruine complète de la littérature latine est dès lors décidée. L’Occident baisse rapidement, tandis

    νευέτωσαν μόνον. Maxime de Tyr, derniers mots du disc. viii, édit. Dübner.

  1. Épictète, Dissert., I, xxi ; II, xxiii ; III, ix, xxiii ; Aulu-Gelle, V, 1 ; Plutarque, De audiendo, 13, 15. Se rappeler Quintilien, Inst., proœm., 2 ; X, i, 3 ; XI, i, 4 ; XII, ii, 1, 3 ; iii.