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fort adouci[1]. Les esséniens et les thérapeutes allèrent plus loin : ils déclarèrent la servitude contraire au droit naturel et se passèrent complètement du travail servile[2]. Le christianisme, moins radical, ne supprima point l’esclavage, mais il supprima les mœurs de l’esclavage. L’esclavage est fondé sur l’absence de l’idée de fraternité entre les hommes ; l’idée de fraternité en est le dissolvant. À partir du ve siècle, l’affranchissement, le rachat des captifs furent les actes de charité les plus recommandés par l’Église[3].

Ceux qui ont prétendu voir dans le christianisme la doctrine révolutionnaire des droits de l’homme et dans Jésus un précurseur de Toussaint Louverture se sont trompés complètement. Le christianisme n’a inspiré aucun Spartacus ; le vrai chrétien ne se révolte pas. Mais, hâtons-nous de le dire, ce n’est point Spartacus qui a supprimé l’esclavage : c’est bien plutôt Blandine ; c’est surtout la ruine du monde gréco-romain. L’esclavage antique n’a, en réalité, jamais été aboli ; il est tombé ou plutôt il s’est transformé. L’inertie où s’enfonça l’Orient à partir du triomphe complet de l’Église, au ve siècle, rendit

  1. Zadoc Kahn, l’Escl. selon la Bible et le Talm., p. 25, 116, 141 ; Rabbinowicz, Législ. civ. du Th., p. lvi et suiv.
  2. Philon, De vita cont., 9.
  3. Voir les faits groupés par M. Paul Allard, les Escl. chrét., p. 327 et suiv., 337 et suiv.