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cles, certains affranchis épouser des dames nobles, des feminae clarissimae.

Comme il est naturel de le supposer, le maître chrétien amenait le plus souvent ses esclaves à la foi, sans y mettre pourtant une indiscrétion qui eût peuplé l’Église de sujets indignes[1]. C’était une bonne action d’aller au marché à esclaves et, en se laissant guider par la grâce, de choisir quelque pauvre corps à vendre pour lui assurer le salut. « Acheter un esclave, c’est gagner une âme »[2] devint un proverbe courant. Un genre de prosélytisme, plus ordinaire et plus légitime encore, consistait à recueillir les enfants trouvés, qui devenaient alors alumni chrétiens[3]. Parfois, certaines Églises rachetaient à leurs frais un de leurs membres de condition servile. Cela excitait fort les désirs des malheureux moins favorisés. Les docteurs orthodoxes n’encourageaient pas ces dangereuses prétentions : « Qu’ils continuent de servir pour la gloire de Dieu, afin qu’ils obtien-

  1. Voir Tertullien, De idol., 17 ; concile d’Elvire, can. 41 ; Constit. apost., VIII, 32 (Lagarde, Reliquiæ, p. 87). Notez l’épisode de Carpophore et Calliste, Philos., IX, 12.
  2. Constit. apost., II, 62. Σωμάτιον πρίασθαι καὶ ψυχὴν περιποιήσασθαι. Cf. ibid., IV, 9.
  3. Ce mot est fréquent dans les inscriptions. Le Blant, I, p. 126, 409-411 ; de Rossi, Bull., 1866, p. 24-25. Cf. Tertullien, Apol., 9, 42. Notez aussi les noms de Projectus, Projecticius.