Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/624

Cette page a été validée par deux contributeurs.

essentiellement religieux. Tout ce qui, dans l’organisation sociale du temps, n’était pas lié avec l’idolâtrie lui parut bon à garder. L’idée ne vint jamais aux docteurs chrétiens de protester contre le fait établi de l’esclavage. C’eût été là une façon d’agir révolutionnaire, tout à fait contraire à leur esprit. Les droits de l’homme ne sont en rien une chose chrétienne. Saint Paul reconnaît complètement la légitimité de la possession chez le maître. Pas un mot, dans toute l’ancienne littérature chrétienne, pour prêcher la révolte à l’esclave, ni pour conseiller au maître l’affranchissement, ou seulement pour agiter le problème de droit public que fait naître chez nous l’esclavage. Ce sont des sectaires dangereux, comme les carpocratiens, qui parlent de supprimer les différences de personnes[1]. Les orthodoxes admettent la propriété comme absolue, qu’elle ait pour objet un homme ou une chose. L’affreux sort de l’esclave ne les touche pas à beaucoup près autant que nous[2]. Pour quelques heures que dure la vie,

  1. Clém. d’Alex., Strom., III, ii.
  2. Pierre d’Alexandrie, dans Lagarde, Reliquiæ juris eccl. ant., p. 66 ; saint Augustin, De serm. domini in monte, I, 59 (Opp. III, 2e part., col. 192) ; conc. de Gangres, canon 3 ; Léon le Grand, Epist. (Hardouin, Conc., I, 1752 et suiv.) ; conc. de Carth. de 419, canon 129 ; iiie conc. de Rome sous Symmaque ; Grég. le Grand, Epist., l. IX, ép. 65.