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à conduire. Une fois la liberté du culte assurée, les chrétiens d’Orient se soumirent à toutes les tyrannies. En Occident, les invasions germaniques et d’autres causes ne laissent pas le paupérisme triompher complètement. Mais la vie humaine est suspendue pour mille ans. La grande industrie devient impossible ; par suite des fausses idées répandues sur l’usure, toute opération de banque, d’assurance[1], est frappée d’interdiction. Le juif seul peut manier l’argent[2] ; on le force à être riche ; puis on lui fait un reproche de cette fortune à laquelle on l’a condamné. C’est ici la plus grande erreur du christianisme. Il fit bien pis que de dire aux pauvres : « Enrichissez-vous aux dépens du riche » ; il dit : « La richesse n’est rien. » Il coupa le capital par la racine ; il défendit la chose la plus légitime, l’intérêt de l’argent ; en ayant l’air de garantir au riche sa richesse, il lui en retrancha les fruits ; il la rendit improductive. La funeste terreur répandue sur toute la société du moyen âge par le prétendu crime d’usure fut l’obstacle qui s’opposa, durant plus de dix siècles, au progrès de la civilisation.

La somme de travail dans le monde diminua

  1. Voir le mémoire de M. Jourdain, Mém. de l’Acad. des inscr., t. XXVIII, 1re partie. Cf. Philos., IX, 12.
  2. Voir surtout les conciles de Tolède, sous les Visigoths.