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On le tenait pour un égoïste, qui s’engraissait de la sueur des autres[1]. La communauté de biens, si elle avait jamais existé, n’existait plus ; ce qu’on appelait « la vie apostolique », c’est-à-dire l’idéal de la primitive Église de Jérusalem, était un rêve perdu dans le lointain ; mais la propriété du fidèle n’était qu’une demi-propriété ; il y tenait peu ; et l’Église y participait en réalité autant que lui[2].

C’est au ive siècle que la lutte devint grande et acharnée. Les classes riches, presque toutes attachées à l’ancien culte, luttent énergiquement ; mais les pauvres l’emportent[3]. En Orient, où l’action du christianisme fut bien plus complète ou, pour mieux dire, moins contrariée que dans l’Occident, il n’y eut plus guère de riches à partir du milieu du ve siècle. La Syrie et principalement l’Égypte devinrent des pays tout ecclésiastiques et tout monastiques. L’église et le monastère, c’est-à-dire les deux formes de la communauté, y furent seuls riches[4]. La conquête arabe, se précipitant sur ces pays, après quelques batailles à la frontière, ne trouva plus qu’un troupeau

  1. Dum modo lætentur saginati vivere porci. Commodien, Carmen apol., v. 19.
  2. Lucien, Peregr., 13.
  3. Lire surtout Salvien.
  4. Voir les inscriptions chrétiennes de Syrie, notamment celle de saint Christophe (Kabr-Hiram).