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L’ouvrier, gagnant honnêtement sa vie de tous les jours, tel était bien, en effet, le chrétien idéal. L’avarice était pour l’Église primitive le crime suprême[1]. Or, le plus souvent, l’avarice, c’était la simple épargne[2]. L’aumône était considérée comme un devoir strict. Le judaïsme en avait déjà fait un précepte[3]. Dans les Psaumes et les livres prophétiques, l’ébion est l’ami de Dieu, et donner à l’ébion, c’est donner à Dieu[4]. Aumône, en hébreu, est synonyme de justice (sedaka). Il fallut limiter l’empressement des gens pieux à se justifier de la sorte ; un des préceptes d’Ouscha interdit de donner au pauvre plus du cinquième de son bien[5]. Le christianisme, qui fut à son origine une société d’ébionim, accepta pleinement l’idée que le riche, s’il ne donne son superflu, est un détenteur du bien d’autrui. Dieu donne toute sa création à tous. « Imitez l’égalité de

    avtrix) ; Garrucci, Dissert, arch., II, p. 161 (cvmlaboronæ suæ) ; Marchi, Monum., p. 27 (amicvs pavpervm).

  1. I Cor., v, 10, 11 ; vi, 10, etc.
  2. Il faut envisager comme une exception le curieux tableau que présente Philosoph., IX, 12.
  3. Prov. iii, 27-28 ; x, 2 ; xi, 4 ; xxii, 9 ; xxviii, 27 ; Dan., iv, 24 ; Talm. de Jér., Peah, i, 1 ; Talm. de Bab., Kethouboth, 50 a ; Josèphe, Contre Apion, II, 39. Voir surtout le fils de Sirach, le livre de Tobie, les Actes, etc.
  4. Ps. xl, 2, etc.
  5. Talm. de Jér., Peah, i, 1.