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avoir été trop conséquent, l’Orient chrétien a perdu toute valeur militaire. L’islam en a profité, et a donné au monde le triste spectacle de cet éternel chrétien d’Orient, partout le même malgré la différence des races, toujours battu, toujours massacré, incapable de regarder en face un homme de guerre, offrant perpétuellement son cou au sabre, victime peu intéressante, car elle ne se révolte pas et ne sait pas tenir une arme, même quand on la lui met dans la main.

Le chrétien fuyait aussi les magistratures, les charges publiques, les honneurs civils. Poursuivre ces honneurs, ambitionner ces fonctions, ou seulement les accepter, c’était donner une marque de foi à un monde que, par principes, on déclarait condamné et entaché à fond d’idolâtrie[1]. Une loi de Septime Sévère[2] permit aux « adeptes de la superstition juive » d’arriver aux honneurs, avec dispense des obligations contraires à leur croyance. Sûrement, les chrétiens pouvaient profiter de ces dispenses ; ils ne le firent pas. Couronner sa porte à l’annonce des jours de fête, prendre part aux divertissements, aux réjouissances publiques, était une apostasie[3]. Même

  1. Tertullien, De pallio, 5.
  2. Dig., L, ii, 3, § 3. Eis qui judaïcam superstitionem sequantur.
  3. Tertullien, De idol., 15 ; De spect., 26 ; De corona, 13 ; Constit. apost., II, 62.