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turon ou devenait martyr[1]. L’antipathie était absolue ; en se faisant chrétien, on quittait l’armée. « On ne sert pas deux maîtres », était le principe sans cesse répété[2]. La représentation d’une épée ou d’un arc sur une bague était défendue[3]. « C’est assez combattre pour l’empereur que de prier pour lui[4]. » Le grand affaiblissement qui se remarque dans l’armée romaine à la fin du iie siècle, et qui éclate surtout au iiie siècle, a sa cause dans le christianisme. Celse aperçut ici le vrai avec une merveilleuse sagacité[5]. Le courage militaire, qui, selon le Germain, ouvre seul le Walhalla, n’est point par lui-même une vertu aux yeux du chrétien. S’il est employé pour une bonne cause, à la bonne heure ; sinon, il n’est que barbarie. Certes, un homme très brave à la guerre peut être un homme de médiocre moralité ; mais une société de parfaits serait si faible ! Pour

  1. Tertullien, De corona, 11 ; De fuga in persec., 14 ; De idol., 19 ; Eusèbe, H. E., VIII, iv ; Actes de saint Maximilien.
  2. Saint Martin, saint Victricius, saint Taraque. Voir Le Blant, Inscr. chrét., I, p. 84-87 ; Comptes rendus de l’Acad. des sc. mor. et pol., loc. cit. Διὰ τὸ ἐχθρὸν εἷναι τὸ τοιοῦτο αὐτοῖς διὰ τὸν θεὸν ὃν φοροῦσι κατὰ συνείδησιν. Rescrit supposé de Marc-Aurèle.
  3. Clém. d’Alex., Pædag., III, xi, p. 106.
  4. Orig., Contre Celse, VIII, 73.
  5. Orig., Contre Celse, VIII, 73, 74, 75. Οὐ συστρατευόμεθα μὲν αὐτῷ (βασιλεῖ) κἂν ἐπείγῃ. Comp. saint Augustin, Epist., cxxxviii, ad Marcellinum, c. ii, § 15.