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règne de Septime-Sévère. Mais, vraiment, en quoi Septime Sévère était-il plus légitime qu’Albin et que Pescennius Niger ? Il réussit mieux qu’eux, voilà tout. Le principe chrétien : « Il faut reconnaître celui qui exerce le pouvoir », devait contribuer à établir le culte du fait accompli, c’est-à-dire le culte de la force. La politique libérale ne doit rien et ne devra jamais rien au christianisme[1]. L’idée du gouvernement représentatif est le contraire de celle que professèrent expressément Jésus, saint Paul, saint Pierre[2], Clément Romain.

Le plus important des devoirs civiques, le service militaire, les chrétiens ne pouvaient le remplir. Ce service impliquait, outre la nécessité de verser le sang, qui paraissait criminelle aux exaltés, des actes que les consciences timorées trouvaient idolâtriques[3]. Il y eut sans doute plusieurs soldats chrétiens au iie siècle[4] ; mais bien vite l’incompatibilité des deux professions se révélait, et le soldat quittait le cein-

  1. « Tolerare Christi famuli jubentur… pessimam etiam, si ita necesse est, flagitiosissimamque rempublicam, et, in illa angelorum quadam sanctissima atque augustissima curia cælestique republica, ubi Dei voluntas lex est, clarissimum sibi locum etiam ista tolerantia comparare. » Saint Augustin, De civ. Dei, II, 19.
  2. Ou celui qui tint la plume pour lui dans la Iª Petri.
  3. Le Blant, dans les Comptes rendus de l’Acad. des sc. mor. et pol., 1879, 1er sem., p. 379 et suiv.
  4. Voir ci-dessus, p. 276 et suiv.