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Le christianisme avait donc une immense supériorité sur la religion d’État que Rome patronnait et sur les différents cultes qu’elle tolérait. Les païens le comprenaient vaguement. Alexandre Sévère ayant eu la pensée d’élever un temple à Christ, on lui apporta de vieux textes sacrés d’où il résultait que, s’il donnait suite à cette idée, tous se feraient chrétiens, et que les autres temples seraient abandonnés[1]. En vain Julien essayera d’appliquer au culte officiel l’organisation qui faisait la force de l’Église[2] ; le paganisme résistera à une transformation contraire à sa nature. Le christianisme s’imposera et s’imposera tout entier à l’empire. La religion que Rome répandra dans le monde sera justement celle qu’elle a le plus vivement combattue, le judaïsme sous forme chrétienne. Loin qu’il faille être surpris du succès du christianisme dans l’empire romain, il faut bien plutôt s’étonner que cette révolution ait été si lente à s’accomplir.

Ce qui était profondément atteint par le christianisme, c’étaient les maximes d’État, base de la politique romaine. Ces maximes se défendirent énergiquement pendant cent cinquante ans, et retardèrent l’avènement du culte désigné pour la victoire. Mais

  1. Lampride, Alex. Sév., 51.
  2. Tillemont, Mém., VII, p. 416-420.