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divinité[1]. Les esséniens, les elkasaïtes, les ébionites, les chrétiens de toute secte, héritiers en cela des anciens prophètes[2], eurent sur ce point un admirable sentiment du progrès[3]. La chair se vit exclue même du festin pascal[4]. Ainsi fut fondé le culte pur. Le côté inférieur de la religion, ce sont les pratiques qui sont censées opérer d’elles-mêmes. Jésus, par le rôle qu’on lui a prêté, sinon par son fait personnel, a marqué la fin des pratiques. Pourquoi parler de sacrifices ? Celui de Jésus vaut tous les autres. De pâque ? Jésus est le vrai agneau pascal. De la Thora ? L’exemple de Jésus vaut beaucoup mieux[5]. C’est par ce raisonnement que saint Paul a détruit la Loi, que le protestantisme a tué le catholicisme. La foi en Jésus a ainsi tout remplacé. Les excès mêmes du christianisme ont été le principe de sa force ; par ce dogme que Jésus a tout fait pour la justification de son fidèle, les œuvres ont été frappées d’inutilité, tout culte autre que la foi a été découragé.

  1. Lucien, De sacrificiis ; Théophraste, De pietate, edit. Bernays (Berlin, 1866) ; Galien, De usu part., III, 10 (t. III, p. 237). Cf. De monarchia, attribué à Justin, § 4 ; Clém. d’Alex., Strom., V, 14 ; Eusèbe, Præp. evang., XIII, 13 (θεῷ δὲ θῦε διὰ τέλους δίκαιος ὤν).
  2. Isaïe, ch. i ; Ps. xl, l, li.
  3. Hilgenfeld, Nov. Test. extra can. rec., IV, p. 34, 37.
  4. Ibid., p. 37 bas.
  5. Voir Saint Paul, p. 486 ; l’Antechrist, p. 225.