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sens relatif. Même au point de vue du rationaliste, le christianisme pouvait être envisagé comme un progrès ; ce fut l’homme religieusement éclairé qui l’adopta. Le fidèle aux anciens dieux fut le paganus[1], le paysan, toujours réfractaire au progrès, en arrière de son siècle ; comme un jour, au xxe siècle peut-être, les derniers chrétiens seront à leur tour appelés pagani, « des ruraux ».

Sur deux points essentiels, le culte des idoles et les sacrifices sanglants, le christianisme répondait aux idées les plus avancées du temps, comme l’on dirait aujourd’hui, et faisait une sorte de jonction avec le stoïcisme[2]. L’absence d’images, qui valait au culte chrétien, de la part du peuple, l’accusation d’athéisme[3], plaisait aux bons esprits[4], révoltés par l’idolâtrie officielle[5]. Les sacrifices sanglants impliquaient aussi les idées les plus offensantes pour la

  1. Voir Bull. della commissione arch. comunale di Roma, oct.-déc. 1877, p. 241 et suiv.
  2. Cf. Bernays, Die heraklitischen Briefe (Berlin, 1869) p. 25-26, 30-37, 60. Saint Justin avait probablement lu les fausses lettres d’Héraclite. Bernays, op. cit., p. 35-36.
  3. Judæa gens contumelia numinum insignis. Pline, II. N., XIII, 4 (9).
  4. Voir Strabon, XVI, ii, 35, 36. Cf. lettre apocryphe de Marc-Aurèle, à la suite de saint Justin.
  5. Comme comble de sottise, voir Sénèque, Fragm., 36 (édit. Haase).