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Une religion fondée, comme celle d’Apollonius de Tyane, sur la croyance au voyage d’un Dieu sur la terre avait des chances particulières de succès. L’humanité cherche l’idéal ; mais elle veut que l’idéal soit une personne ; elle n’aime pas une abstraction. Un homme incarnation de l’idéal, et dont la biographie pût servir de cadre à toutes les aspirations du temps, voilà ce que demandait l’opinion religieuse. L’Évangile d’Apollonius de Tyane n’eut qu’un demi-succès ; celui de Jésus réussit complètement. Les besoins d’imagination et de cœur qui travaillaient les populations étaient justement ceux auxquels le christianisme donnait une pleine satisfaction. Les objections que présente la croyance chrétienne à des esprits amenés par la culture rationnelle à l’impossibilité d’admettre le surnaturel n’existaient pas alors. En général, il est plus difficile d’empêcher l’homme de croire que de le faire croire. Jamais siècle, d’ailleurs, ne fut plus crédule que le iie siècle. Tout le monde admettait les miracles les plus absurdes ; la mythologie courante, ayant perdu son sens primitif, atteignait les dernières limites de l’ineptie. La somme de sacrifices que le christianisme demandait à la raison était moindre que celle que supposait le paganisme. Se convertir au christianisme n’était donc pas un acte de crédulité ; c’était presque un acte de bon