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Cœranus et Musonius, l’un Grec, l’autre Étrusque, pour lui donner les motifs d’attendre la mort avec courage[1]. Avant de mourir, on s’entretenait avec quelque sage, comme chez nous on appelle un prêtre, afin que le dernier soupir eût un caractère moral et religieux. Canus Julius marche au supplice accompagné de « son philosophe[2] ». Thrasea meurt assisté par le cynique Démétrius[3].

On assignait pour premier devoir au philosophe d’éclairer les hommes, de les soutenir, de les diriger[4]. Dans les grands chagrins, on appelait un philosophe pour se faire consoler, et souvent le philosophe, comme chez nous le prêtre averti in extremis, se plaignait de n’être appelé qu’aux heures tristes et tardives. « On n’achète les remèdes que quand on est gravement malade ; on néglige la philosophie tant qu’on n’est pas trop malheureux. Voilà un homme riche, jouissant d’une bonne santé, ayant une femme et des enfants bien portants ; il n’a aucun souci de la philosophie ; mais qu’il perde sa fortune ou sa santé, que sa femme, ou son fils, ou son frère soient frappés de mort, oh ! alors, il fera venir le

  1. Tacite, Ann., XIV, 59.
  2. Sénèque, De tranq. animæ, 14.
  3. Tacite, Ann., XVI, 34.
  4. Sénèque, Epist., xlviii.