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sans dogmatisme. On n’est fort qu’à la condition de se tromper avec tout le monde. Le stoïcisme, d’ailleurs, impliquait une erreur qui lui nuisit beaucoup devant le peuple. À ses yeux, la vertu et le sentiment moral étaient identiques. Le christianisme distingue ces deux choses. Jésus aime l’enfant prodigue, la courtisane, âmes bonnes au fond, quoique pécheresses. Pour les stoïciens, tous les péchés sont égaux ; le péché est irrémissible. Le christianisme a des pardons pour tous les crimes. Plus on a péché, plus on lui appartient. Constantin se fera chrétien parce qu’il croit que les chrétiens seuls ont des expiations pour le meurtre d’un fils par son père. Le succès qu’eurent, à partir du iie siècle, les hideux tauroboles, d’où l’on sortait couvert de sang, prouvent combien l’imagination du temps était acharnée à trouver les moyens d’apaiser des dieux supposés irrités. Le taurobole est, entre tous les rites païens, celui dont les chrétiens redoutent le plus la concurrence[1] ; il fut en

  1. Firmicus Maternus, De err. prof. rel., xxvii, 8, xxviii, 1 ; Prudence, hymne 10. Cf. Capitolin, Ant. Phil., 13 ; Lampride, Heliog., 7 ; poème découvert par M. Delisle, vers 57 et suiv. ; Orelli-Henzen, 1901, 2322 et suiv. ; 2351-2355, 2361, 6031 et suiv. ; Gruter, 29, 12 ; Mommsen, Inscr. R. N., nos 1398-1402, 2602, 2604, 4078, 4735, 5307, 5308 ; Corpus inscr. lat., IV, nos 497-509 ; marbres de Lectoure, Mém. de la Soc. des ant. de Fr., t. III (1837), p. 121 et suiv. ; Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1872, p. 473-474 ; Allmer, Rev. épigr., n°1, p. 6 et suiv. ;