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petits personnages. Jéhovah, le seul dieu local qui résista obstinément à l’association auguste, et qu’il fut impossible de transformer en un innocent fétiche de carrefour, tua et la divinité d’Auguste et tous les autres dieux qui se prêtèrent si facilement à devenir les parèdres de la tyrannie. La lutte dès lors fut établie entre le judaïsme et le culte bizarrement amalgamé que Rome prétendait imposer. Rome échouera en ce point, Rome donnera au monde le gouvernement, la civilisation, le droit, l’art d’administrer ; mais elle ne lui donnera pas la religion. La religion qui se répandra, en apparence malgré Rome, en réalité grâce à elle, ne sera en rien la religion du Latium ou la religion bâclée par Auguste ; ce sera la religion que tant de fois Rome avait cru détruire, la religion de Jéhovah.

Nous avons assisté aux nobles efforts de la philosophie pour répondre aux exigences des âmes que la religion ne satisfaisait plus. La philosophie avait tout vu, tout exprimé en un langage exquis[1] ; mais il

    cf. ibid., 1869, p. 18 : Numini Augustorum et Genio portorii publici. (Desjardins.)

  1. Cultus autem deorum est optimus idemque castissimus atque sanctissimus plenissimusque pietatis, ut eos semper pura, integra, incorrupta et mente et voce veneremur. Non enim philosophi solum, verum etiam majores nostri superstitionem a religione separaverunt. Cicéron, De nat. deor.,