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facilement les caprices de la mode. Les images qui, à cet égard, ont un moment contenté notre soif passent bien vite ; en fait de rêves d’outre-tombe, on veut toujours du nouveau ; car rien ne supporte longtemps l’examen.

La religion établie ne donnait donc aucune satisfaction aux besoins profonds du siècle. Le dieu antique n’est ni bon ni mauvais ; c’est une force. Avec le temps, les aventures que l’on contait de ces prétendues divinités étaient devenues immorales. Le culte aboutissait à l’idolâtrie la plus grossière, parfois la plus ridicule[1]. Il n’était pas rare que des philosophes, en public, se livrassent à des attaques contre la religion officielle, et cela aux applaudissements de leurs auditeurs[2]. Le gouvernement, en voulant s’en mêler, ne fit que tout abaisser. Les divinités de la Grèce, depuis longtemps identifiées aux divinités de Rome, avaient leur place de droit dans le Panthéon. Les divinités barbares subirent des identifications analogues et devinrent des Jupiter, des Apollon, des Esculape. Quant aux divinités locales, elles se sauvèrent par le culte des dieux Lares. Auguste avait

  1. Sénèque, Lettres, xli, 1, et dans saint Augustin, De civ. Dei, VI, 10 ; scholies sur Juvénal, x, 55 ; Épictète, Dissert., III, iv, 7 ; Suétone, Caius, 5. Cf. Querolus, p. 247 et suiv. (J. Havet).
  2. Tertullien, Apol., 46.