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plusieurs cet état de débilité nerveuse qui fait verser d’abondantes larmes. La facilité à pleurer fut considérée comme une faveur céleste, le don des larmes[1]. Les chrétiens pleuraient sans cesse ; une sorte de tristesse douce était leur état habituel. Dans les églises, la mansuétude, la piété, l’amour se peignaient sur leur figure. Les rigoristes se plaignaient que souvent, au sortir du lieu saint, cette attitude recueillie fît place à la dissipation[2] ; mais, en général, on reconnaissait les chrétiens rien qu’à leur air. Ils avaient en quelque sorte des figures à part[3], de bonnes figures, empreintes d’un calme n’excluant pas le sourire d’un aimable contentement. Cela faisait un contraste sensible avec l’allure dégagée des païens, qui devait souvent manquer de distinction et de retenue. Dans l’Afrique montaniste, certaines pratiques, en particulier celle de faire à tout propos le signe de la croix sur le front, décelaient encore plus vite les disciples de Jésus[4].

Le chrétien était donc, par essence, un être à part, voué à une profession même extérieure de vertu, un ascète enfin. Si la vie monastique n’apparaît que vers

  1. Voir Le Blant, Gazette archéol., 1875, p. 73-83.
  2. Clém. d’Alex., Pædag., III, ch. xi, p. 110.
  3. Voir Saint Paul, p. 437.
  4. Tertullien, De corona militis, 3.