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un privilège de la royauté. Les prophètes s’y montrèrent toujours hostiles ; les pratiques de Salomon et de ses imitateurs furent un objet de blâme et de scandale[1]. Dans les premiers siècles de notre ère, les cas de polygamie devaient être très rares chez les Juifs ; ni les chrétiens ni les païens ne leur en font le reproche. Par la double influence du mariage romain[2] et du mariage juif[3], naquit ainsi cette haute idée de la famille qui est encore de nos jours la base de la civilisation européenne, si bien qu’elle est devenue comme une partie essentielle du droit naturel. Il faut reconnaître cependant que, sur ce point, l’influence romaine a été supérieure à l’influence juive, puisque c’est seulement par l’influence des codes modernes, tirés du droit romain, que la polygamie a disparu chez les juifs.

L’influence romaine ou, si l’on veut, aryenne[4], est aussi plus sensible que l’influence juive dans la

  1. Deutér., xvii, 17.
  2. Maris et feminæ æterna conjunctio.
  3. Le type en est dans le livre de Tobie. « Se réjouir avec la femme de sa jeunesse » a toujours été l’idéal de la vie juive. Schuhl, Sentences et prov. du Talm., nos 79, 699, 740.
  4. Virgile, Æn., IV, 23 et suiv. ; Plutarque, Quæst. rom., 105 ; Tite-Live, X, 23 ; Val. Max., II, i, 3 ; Jos., Ant., XVIII, vi, 6 ; Diod. de Sic., XIII, 12 ; Denys d’Halic., VIII, 56. Voir surtout Pausanias, II, xxi, 7.