Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/563

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dégagea lentement des préjugés au milieu desquels elle était née. Elle n’en sortit que pour subir la domination des apocryphes, eux-mêmes plus ou moins nés sous une influence gnostique. De là une situation longtemps fausse. Jusqu’en plein moyen âge, des conciles, des docteurs autorisés condamnent l’art ; l’art, de son côté, même rangé à l’orthodoxie, se permet d’étranges licences. Ses sujets favoris sont empruntés, pour la plupart, à des livres condamnés, si bien que les représentations forcent les portes de l’église, quand le livre qui les explique en est depuis longtemps expulsé[1]. En Occident, au xiiie siècle, l’art s’émancipe tout à fait ; mais il n’en est pas de même dans le christianisme oriental. L’Église grecque et les Églises orientales ne triomphent jamais complètement de cette antipathie pour les images qui est portée à son comble dans le judaïsme et l’islamisme. Elles condamnent la ronde bosse et se renferment dans une imagerie hiératique d’où l’art sérieux aura beaucoup de peine à sortir[2].

On ne voit pas que, dans la vie privée, les chré-

    représentation allégorique des gnostiques, voir ci-dessus, p. 460, note 1, et l’Église chrétienne, p. 172, note.

  1. Voir l’Église chrétienne, ch. xxvi et xxvii.
  2. Le grand reproche que les vieux croyants faisaient aux églises du patriarche Nicon, c’est « qu’on y voyait des Christs qui ressemblaient à des hommes » [Tourguenief.]