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devant cet envahissement des hautes places de la république par des gens sans aïeux, sans audace militaire, appartenant le plus souvent à ces races orientales que le vrai Romain méprisait. Telle fut, en particulier, la position que prit, pour son malheur, Avidius Cassius, vrai homme de guerre et homme d’État, homme éclairé même et plein de sympathie pour Marc-Aurèle, mais persuadé que le gouvernement exige tout autre chose que de la philosophie[1]. À force d’appeler l’empereur, en souriant, « une bonne femme philosophe[2] », il se laissa entraîner à la plus funeste des pensées, à la révolte. Le grand reproche qu’il adressait à Marc-Aurèle[3] était de confier les premiers emplois à des hommes qui n’offraient de garanties ni par leur fortune, ni par leurs antécédents, ni même quelquefois par leur éducation, tels que Bassæus et Pompéien. Le bon empereur poussa, en effet, la naïveté jusqu’à vouloir que Pompéien épousât sa fille Lucille, veuve de Lucius Verus, et jusqu’à prétendre que Lucille aimât Pompéien, parce qu’il était l’homme le plus vertueux de l’empire. Cette idée malheureuse fut une des principales causes qui

  1. Lettre d’Avidius Cassius, dans Vulc. Gallicanus, Avid., 14.
  2. Philosopham aniculam. Lettre de Lucius Verus, dans Vulcatius Gallicanus, Avid. Cass., 1.
  3. Vulcatius Gallicanus, Avid., 14.