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audace qui scandalisa les vrais croyants. Il était trop tôt encore ; tout ce qui rappelait l’idolâtrie était suspect. Les peintres qui se convertissaient étaient mal vus, comme ayant servi à détourner vers de creuses images les hommages dus au Créateur[1]. Les images de Dieu et du Christ, j’entends les images isolées qui eussent pu sembler des idoles, excitaient l’appréhension, et les carpocratiens, qui avaient des bustes de Jésus et leur adressaient des honneurs païens, étaient tenus pour des profanes[2]. On observait à la lettre, au moins dans les églises, les préceptes mosaïques contre les représentations figurées[3]. L’idée de la laideur de Jésus, subversive d’un art chrétien, était généralement répandue[4]. Il y avait des portraits peints de Jésus, de saint Pierre, de saint Paul ; mais on voyait à cet usage des inconvénients[5]. Le fait de la statue de l’hémorroïsse paraît à Eusèbe avoir besoin d’excuse ; cette excuse, c’est que la femme qui témoigna ainsi sa reconnaissance

  1. Tertullien, In Hermog., 1 ; De monog., 16.
  2. Irénée, I, xxv, 6.
  3. Clém. d’Alex., Cohort., 4 ; Strom., I, 15 ; III, 4 ; V, 5, 6, 14 ; VI, 17 ; VII, 4 ; Macarius Magnes, dans Pitra, Spic. Sol., I, p. 324-325 ; conc. d’Elvire, canon 36.
  4. Tertullien, Adv. Jud., 14 ; De carne Christi, 9 ; Clém. d’Alex. Pædag., III, 1 (αἰσχρός) ; Orig., Contre Celse, VI, 75 (δυσείδης).
  5. Eusèbe, H. E., VII, xviii, 4.