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faux dieux n’étaient que des démons, le pouvoir de chasser les démons impliquait le pouvoir de démasquer les faux dieux[1]. L’exorciste encourait ainsi l’accusation de magie, qui rejaillissait sur l’Église tout entière[2].

L’Église orthodoxe vit le danger de ces dons spirituels, restes d’une puissante ébullition primitive, que l’Église devait discipliner, sous peine de n’être pas. Les docteurs et les évêques sensés y étaient opposés ; car ces merveilles, qui ravissaient l’absurde Tertullien, et auxquelles saint Cyprien attache encore tant d’importance, donnaient lieu à de mauvais bruits, et il s’y mêlait des bizarreries individuelles dont l’orthodoxie se défiait[3]. Loin de les encourager, l’Église frappa les charismes de suspicion, et, au iiie siècle, sans disparaître, ils devinrent de plus en plus rares. Ce ne furent plus que des faveurs exceptionnelles, dont les présomptueux seuls se crurent honorés[4]. L’extase fut condamnée[5]. L’évêque devient déposi-

  1. Min. Félix, 27 ; Athénag., Leg., 26 ; Actes de saint Pione, § 7 ; saint Cyprien, De idol. van., 7 ; Ad Demetrianum, 15 ; Lactance, Rufin, Théodoret, etc.
  2. Orig., Contre Celse, I, 6 ; VI, 39 ; VII, 4 ; Tertullien, Ad ux., II, 5. Le Blant, mém. cité.
  3. Origène, Contre Celse, VI, 32 ; VIII, 60 ; Eusèbe, H. E., III, 26 ; Damascius, Vie d’Isidore, 56.
  4. Origène, Contre Celse, VII, 8.
  5. Eus., V, 17. Tertullien répondit à cette condamnation par