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surtout qu’ils maltraitassent les particuliers. Les insolences ordinaires aux cyniques ne justifiaient que trop ces accusations. Ces misérables aboyeurs n’avaient ni honte ni respect, et ils étaient fort nombreux.

Marc-Aurèle ne se dissimulait pas les défauts de ses amis ; mais sa parfaite sagesse lui faisait faire une distinction entre la doctrine et les faiblesses de ceux qui l’enseignent[1]. Il savait qu’il y avait peu ou point de philosophes pratiquant vraiment ce qu’ils conseillaient. L’expérience lui avait fait connaître que la plupart étaient avides, querelleurs, vains, insolents, qu’ils ne cherchaient que la dispute et n’avaient qu’un esprit d’orgueil, de malignité, de jalousie[2]. Mais il était trop judicieux pour attendre des hommes la perfection. Comme saint Louis ne fut pas un moment troublé dans sa foi par les désordres des clercs, Marc-Aurèle ne se dégoûta jamais de la philosophie, quels que fussent les vices des philosophes. « Estime pour les vrais philosophes ; indulgence exempte de blâme pour les philosophes prétendus, sans d’ailleurs être jamais leur dupe »,

  1. Philostr., Soph., II, i, 21. Semper adversus sua vitia facundos, dit Minucius Felix des philosophes (§ 38).
  2. Galien, De prænotione ad Posth., 1 ( t. XIX, p. 498 et suiv., Kühn). Cf. Apulée, Apol., ch. 3, 17, 18.