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zarres formules de Nicée établiront des égalités contre nature ; le Christ, seule personne active de la Trinité, se chargera de toute l’œuvre de la création et de la Providence, deviendra Dieu lui-même. Mais l’épître aux Colossiens n’est qu’à un pas d’une telle doctrine ; pour arriver à ces exagérations, il n’a fallu qu’un peu de logique. Marie, mère de Jésus, est elle-même destinée à grandir colossalement ; elle deviendra en fait une personne de la Trinité. Déjà les gnostiques ont deviné cet avenir et inauguré un culte appelé à une importance démesurée.

Le dogme de la divinité de Jésus-Christ existe complètement ; seulement, on n’est pas d’accord sur les formules qui servent à l’exprimer ; la christologie du judéo-chrétien de Syrie et celle de l’auteur d’Hermas ou des Reconnaissances diffèrent considérablement ; le travail de la théologie sera de choisir, non de créer. Le millénarisme des premiers chrétiens devenait de plus en plus antipathique aux Hellènes qui embrassaient le christianisme. La philosophie grecque exerçait une sorte de poussée violente pour substituer son dogme de l’immortalité de l’âme aux vieilles idées juives (ou si l’on veut persanes) de résurrection et de paradis sur terre. Les deux formules pourtant coexistaient encore. Irénée dépasse tous les millénaristes en matérialisme grossier, quand