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n’est fixé ; mais le germe de tout existe ; presque aucune idée n’apparaîtra qui ne puisse faire valoir des autorités du ier et du iie siècle. Il y a du trop, il y a des contradictions ; le travail théologique consistera bien plus à émonder, à écarter des superfluités qu’à inventer du nouveau. L’Église laissera tomber une foule de choses mal commencées, elle sortira de bien des impasses. Elle a encore deux cœurs, pour ainsi dire ; elle a plusieurs têtes ; ces anomalies tomberont ; mais aucun dogme vraiment original ne se formera plus.

La Trinité des docteurs de l’an 180, par exemple, est indécise. Logos, Paraclet, Saint-Esprit, Christ, Fils, sont des mots employés confusément pour désigner l’entité divine incarnée en Jésus[1]. Les trois personnes ne sont pas comptées, numérotées, si l’on peut s’exprimer de la sorte ; mais le Père, le Fils, l’Esprit, sont bien déjà désignés pour les trois termes qu’il faudra maintenir distincts, sans diviser pourtant l’indivisible Jéhovah. Le Fils grandira immensément, Cette espèce de vicaire que le monothéisme, à partir d’une certaine époque, s’est plu à donner à l’être suprême offusquera singulièrement le Père. Les bi-

  1. Voir, notamment, Justin, Apol. I, 6, et surtout Pseudo-Hermas (l’Égl. chrét., ch. xxi). Pour les montanistes, voir ci-dessus, p. 212 et suiv.