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Aurèle, honorée de tous, que Caracalla fit tuer[1], assistaient obscures à une orgie qui formait avec leurs souvenirs de jeunesse un si étrange contraste.

Les provinces et surtout les provinces d’Orient, bien plus actives et plus éveillées que celles de l’Occident, prenaient définitivement le dessus. Certes Héliogabale était un insensé ; et cependant sa chimère d’un culte monothéiste central, établi à Rome et absorbant tous les autres cultes[2], montrait que le cercle étroit des idées antonines était bien brisé. Mammée et Alexandre Sévère iront plus loin ; pendant que les jurisconsultes continuent de transcrire avec la quiétude de la routine leurs vieilles et féroces maximes contre la liberté de conscience[3], l’empereur syrien et sa mère s’instruiront du christianisme, lui témoigneront de la sympathie[4]. Non content

  1. Hérodien, IV, 6.
  2. « Ne quis Romae deus nisi Heliogabalus coleretur ; dicebat præterea Judæorum et Samaritanorum religiones et christianam devotionem illuc transferendam, ut omnium culturarum secretum Heliogabali sacerdotium teneret. » Lampride, Héliog., 3, 6, 7, 8. Cf. Dion Cassius, LXXIX, 11, 12 ; Hérodien, V, v, 7 et suiv. ; vi, 3 et suiv.
  3. Paul, Sentent., V, xxi, 2 : « Qui novas et usu vel ratione incognitas religiones inducunt, ex quibus animi hominum moveantur, honestiores deportantur, humiliores capite puniuntur. » Le De officio proconsulis d’Ulpien contenait tout l’ancien arsenal contre les chrétiens. Cf. Lactance, Instit., V, ch. xi et xii.
  4. Eusèbe, VI, xxi, 3, 4 ; cf. saint Jér., De viris ill., 54. Eusèbe