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digne, et aux dieux immortels. » L’armée était inconsolable ; car elle adorait Marc-Aurèle, et elle voyait trop bien dans quel abîme de maux on allait tomber après lui. L’empereur eut encore la force de présenter Commode aux soldats. Son art de conserver la tranquillité au milieu des plus grandes douleurs lui faisait garder, en ce moment cruel, un visage calme.

Le septième jour, il sentit sa fin approcher. Il ne reçut plus que son fils, et il le congédia au bout de quelques instants, de peur de le voir contracter le mal dont il était atteint ; peut-être ne fut-ce là qu’un prétexte pour se délivrer de son odieuse présence. Puis il se couvrit la tête comme pour dormir. La nuit suivante, il rendit l’âme.

On rapporta son corps à Rome et on l’enterra dans le mausolée d’Adrien. L’effusion de la piété populaire fut touchante. Telle était l’affection qu’on avait pour lui, qu’on ne le désignait jamais par son nom ou ses titres. Chacun selon son âge l’appelait « Marc mon père, Marc mon frère, Marc mon fils ». Le jour de ses obsèques, on ne versa presque point de larmes, tous étant certains qu’il n’avait fait que retourner aux dieux, qui l’avaient prêté un moment à la terre. Durant la cérémonie même des funérailles, on le proclama « dieu propice » avec une spontanéité sans exemple. On déclara sacrilège quiconque n’aurait pas,