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jeunesse, deviennent tout à coup vertueuses, humaines et rangées ! C’est là un symptôme qu’elles vont mourir.

La sainteté de l’empereur avait obtenu, en ce qui touchait l’opinion, un résultat supérieur à celui qu’on devait attendre : elle l’avait, en quelque sorte, sacré aux yeux du peuple. C’est ici un fait honorable pour la nature humaine et que l’histoire ne doit pas plus omettre que tant d’autres faits attristants. Marc-Aurèle fut extrêmement aimé ; la popularité, si sujette à se méprendre sur la valeur des hommes, une fois au moins a été juste. Le meilleur des souverains a été le mieux apprécié. Mais la méchanceté du siècle reprenait par d’autres côtés sa revanche. Trois ou quatre fois, la bonté de Marc-Aurèle faillit le perdre. Le grand inconvénient de la vie réelle et qui la rend insupportable à l’homme supérieur, c’est que, si l’on y transporte les principes de l’idéal, les qualités deviennent des défauts, si bien que fort souvent l’homme accompli y réussit moins bien que celui qui a pour mobiles l’égoïsme ou la routine vulgaire. L’honnêteté consciencieuse de l’empereur lui avait fait commettre une première faute en lui persuadant d’associer à l’empire Lucius Verus, envers qui il n’avait aucune obligation. Verus était un homme frivole et sans valeur. Il fallut