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vient des dieux, que dans l’avenir tout sera également bien, je veux dire tout ce qu’ils décideront pour la conservation de l’être vivant[1], parfait, bon, juste, beau, qui a tout produit, renferme tout, enserre et comprend toutes les choses particulières, lesquelles ne se dissolvent que pour en former de nouvelles pareilles aux premières ? Quand seras-tu donc telle, ô mon âme, que tu puisses vivre enfin dans la cité des dieux et des hommes, de manière à ne leur jamais adresser une plainte et à n’avoir jamais non plus besoin de leur pardon ?


Cette résignation devenait de jour en jour plus nécessaire ; car le mal, qu’on avait pu croire un moment maîtrisé par le gouvernement des philosophes, relevait la tête de toutes parts. Au fond, les progrès opérés par les règnes d’Antonin et de Marc-Aurèle n’avaient été que superficiels. Tout s’était borné à un vernis d’hypocrisie, à des mines extérieures qu’on avait prises pour se mettre à l’unisson des deux sages empereurs. La masse était grossière ; l’armée s’affaiblissait ; les lois seules avaient été améliorées. Ce qui régnait partout, c’était une profonde tristesse. Marc-Aurèle avait en un sens trop bien réussi. Le monde antique prenait le capuchon du moine, comme ces descendants de la noblesse de Versailles qui se font aujourd’hui trappistes ou chartreux. Malheur aux vieilles aristocraties qui, après les excès d’une folle

  1. Τοῦ τελείου ζώου