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comme celles des Pères de la vie spirituelle, afin de se convaincre, par des déductions invincibles, de l’universelle vanité.


Pour mépriser le chant, la danse, le pancrace, il suffit de les diviser en leurs éléments. Pour la musique, par exemple, si tu divises chacun des accords en sons, et que tu te demandes pour chaque son : « Est-ce là ce qui te charme ? » il n’y a plus de charme. De même, pour la danse, divise le mouvement en attitudes. De même pour le pancrace. En un mot, pour tout ce qui n’est pas la vertu, réduis l’objet à ce qui le compose en dernière analyse, et, par cette division, tu arriveras à le mépriser. Applique ce procédé à toute la vie[1].


Ses prières étaient d’une humilité, d’une résignation toute chrétienne[2] :


Seras-tu donc enfin un jour, ô mon âme, bonne, simple, parfaitement une, nue, plus diaphane que le corps matériel qui t’enveloppe ? Quand pourras-tu goûter pleinement la joie d’aimer toute chose ? Quand seras-tu satisfaite, indépendante, sans aucun désir, sans la moindre nécessité d’un être vivant ou inanimé pour tes jouissances ? Quand n’auras-tu besoin ni du temps pour prolonger tes plaisirs, ni de l’espace, ni du lieu, ni de la sérénité des doux climats, ni même de la concorde des humains ? Quand seras-tu heureuse de ta condition actuelle, contente des biens présents, persuadée que tu as tout ce que tu dois avoir, que tout est bien en ce qui te concerne, que tout te

  1. Pensées, XI, 2
  2. Ibid., X, 1.