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partir du ive siècle, attribuèrent au christianisme des conquêtes bien plus lointaines. Chaque apôtre fut censé avoir choisi sa part du monde pour la convertir. L’Inde surtout, par l’indécision géographique du nom qu’elle porte et l’analogie du bouddhisme avec le christianisme, fit de singulières illusions. On prétendit que saint Barthélemy y avait porté le christianisme et y avait laissé un exemplaire en hébreu de l’Évangile de saint Matthieu. Le célèbre docteur alexandrin Pantænus y serait retourné sur les traces de l’apôtre et y aurait retrouvé ledit Évangile[1]. Tout cela est douteux. L’emploi du mot Inde était extrêmement vague ; quiconque s’était embarqué à Clysma et avait fait la navigation de la mer Rouge était censé avoir été dans l’Inde. L’Iémen était souvent désigné par ce nom[2]. En tout cas, il ne résulta certainement des voyages de Pantænus aucune Église durable. Tout ce que les manichéens racontèrent des missions de saint Thomas dans l’Inde est fabuleux[3], et c’est

  1. Eus., H. E., V, x, 2, 3. Saint Jérôme, De viris ill., 36, traduit très inexactement Eusèbe. Comp. Nicéphore, IV, 32.
  2. Ἰνδοὶ οἱ καλουμένοι εὐδαίμονες. Cf. Letronne, Mém. de l’Acad. des inscr., nouv. série, t. IX, p. 158 et suiv. ; t. X, p. 235 et suiv. ; Journ. des Sav., 1842, p. 665 et suiv. ; nonobstant Reinaud, Journ. asiat., mai-juin 1863, p. 313 et suiv.
  3. Actes de saint Thomas, dans Tischendorf, Acta apost. apocr., p. 190 et suiv. (Le nom du roi Γουνδάφορος a seul de l’au-