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pénalités établies. Les cas de folie furent prévus[1]. Le grand principe stoïcien que la culpabilité réside dans la volonté, non dans le fait, devient l’âme du droit[2].

Ainsi fut définitivement constituée cette merveille, le droit romain, sorte de révélation à sa manière, dont l’ignorance reporta l’honneur aux compilateurs de Justinien, mais qui fut en réalité l’œuvre des grands empereurs du iie siècle, admirablement interprétée et continuée par les jurisconsultes éminents du iiie siècle. Le droit romain aura un triomphe moins bruyant que le christianisme, mais en un sens plus durable. Oblitéré d’abord par la barbarie, il ressuscitera vers la fin du moyen âge, sera la loi du monde renaissant, et redeviendra, sous des rédactions un peu modifiées, la loi des peuples modernes. C’est par là que la grande école stoïcienne qui, au iie siècle, essaya de reformer le monde, après avoir en apparence misérablement avorté, remporta en réalité une pleine victoire. Recueillis par les jurisconsultes classiques du temps des Sévères, mutilés et altérés par Tribonien, les textes survécurent, et

  1. Digeste, I, xvii, 14, De offic. præs.
  2. Digeste, XLVIII, viii, 14, Ad legem Corneliam de sic. ; ibid., 1, § 3 ; Digeste, L, xvii, 79, De regulis juris ; Digeste, XLVIII, xix, 26, De pœnis.