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trait les lieux sanctifiés par ces Actes apostoliques, en partie vrais, en partie faux[1]. Tout cela entourait l’Église de Rome d’une auréole sans pareille[2]. Les questions douteuses étaient portées à Rome pour recevoir un arbitrage, sinon une solution[3]. On faisait ce raisonnement que, puisque Christ avait fait de Céphas la pierre angulaire de son Église, ce privilège devait s’étendre à ses successeurs. L’évêque de Rome devenait l’évêque des évêques, celui qui avertit les autres. Le pape Victor (189-199) pousse cette prétention à des excès que réprime le sage Irénée, mais le coup est porté ; Rome a proclamé son droit (droit dangereux !) d’excommunier ceux qui ne marchent pas en tout avec elle. Les pauvres artémonites (sorte d’ariens anticipés) ont beau se plaindre de l’injustice du sort, qui fait d’eux des hérétiques, tandis que, jusqu’à Victor, toute l’Église de Rome pensait comme eux[4]. L’Église de Rome se mettait dès lors au-dessus de l’histoire. L’esprit qui, en 1870, fera

  1. Voir l’Antechrist, p. 191 et suiv.
  2. Irénée, III, iii ; Tertullien, Præscr., 21, 36 ; saint Cyprien, Epist., 52, 55 (ecclesiam principalem unde unitas sacerdotalis exorta est), 67, 71, 75 (Firmilien).
  3. Voir, ci-dessus, ce qui concerne le montanisme et la question de la pâque. Il en fut de même au iiie siècle, dans la question des lapsi et du baptême des hérétiques, ainsi que dans l’affaire d’Origène.
  4. Eusèbe, H. E., V, xxviii, 3.