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Justin, l’auteur des Reconnaissances, pseudo-Hermas, Marcion, ces innombrables maîtres apparaissant de toutes parts, taillent en plein drap, si l’on peut s’exprimer ainsi ; chacun se fait une christologie à sa guise. Mais, au milieu de l’énorme variété d’opinions qui remplit le premier âge chrétien, se constitue un point fixe, l’opinion de la catholicité. Pour convaincre l’hérétique, il n’est pas nécessaire de raisonner avec lui. Il suffit de lui montrer qu’il n’est pas en communion avec l’Église catholique, avec les grandes Églises qui font remonter leur succession d’évêques jusqu’aux apôtres[1]. Quod semper, quod ubique devient la règle absolue de vérité. L’argument de prescription, auquel Tertullien donnera une forme si éloquente, résume toute la controverse catholique. Prouver à quelqu’un qu’il est un novateur, un tard venu dans la théologie, c’est lui prouver qu’il a tort. Règle insuffisante, puisque, par une singulière ironie du sort, le docteur même qui a développé cette méthode de réfutation d’une façon si impérieuse est mort hérétique !

La correspondance entre les Églises fut de bonne heure une habitude[2]. Les lettres circulaires des

  1. Irénée, III, iv, 1 ; Tertullien, Præscr., 36.
  2. Se rappeler l’affaire du montanisme et de la pâque. Voir surtout Eusèbe, H. E., V, ch. xxv.