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lors domine l’individu, le chasse au besoin de son sein. Bientôt l’Église, corps instable et changeant, se personnifie dans les anciens ; les pouvoirs de l’Église deviennent les pouvoirs d’un clergé dispensateur de toutes les grâces, intermédiaire entre Dieu et le fidèle. L’inspiration passe de l’individu à la communauté. L’Église est devenue tout dans le christianisme ; un pas de plus, l’évêque devient tout dans l’Église. L’obéissance à l’Église, puis à l’évêque, est envisagée comme le premier des devoirs ; l’innovation est la marque du faux ; le schisme sera désormais pour le chrétien le pire des crimes[1].

Ainsi l’Église primitive eut à la fois l’ordre et l’excessive liberté. Le pédantisme de la scolastique était encore inconnu. L’Église catholique acceptait vite les idées fécondes qui naissaient chez les hérétiques, en retranchant ce qu’elles avaient de trop sectaire. La spontanéité de la théologie dépassait tout ce qui s’est vu plus tard. Sans parler des gnostiques, qui poussent la fantaisie aux dernières limites, saint

  1. Irénée, III, iv ; xxiv, 1. Voir surtout saint Cyprien, Épîtres, 2, 3, 4, 43, 45, 48, 56, 57, 59, 63, 65, 66, 67, 72, 73. Notez πάντα μόνος αὐτὸς ὤν dans le Peregrinus de Lucien, § 11. Le mot λαϊκός se trouve pour la première fois dans l’épître de Clément, ch. xl ; puis dans l’épître pseudo-clémentine à Jacques, § 5. Cf. Clém. d’Alex., Strom., III, 12 (p. 199) ; V, 6 (p. 240), etc. Quant au mot κλῆρος, il a le sens d’« ordre », et il a été opposé à λαϊκός, comme ordo (sous-entendu nobilissimus) a été opposé à plebs.