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écrits secrets d’une secte fermée, qui, comme les esséniens ou les thérapeutes, eût finalement disparu.

Minucius Félix donne bien mieux que les apologistes grecs le ton qui prévaudra chez les défenseurs du christianisme en tous les temps. C’est un habile avocat, s’adressant à des gens moins versés dans la dialectique que les Grecs d’Égypte ou d’Asie, dissimulant les trois quarts de son dogme pour enlever l’adhésion à l’ensemble sans discussion du détail, prenant les apparences du lettré pour convertir les lettrés et leur persuader que le christianisme ne les oblige pas à renoncer aux philosophes et aux écrivains qu’ils admirent. « Philosophes, chrétiens… mais quoi ? c’est une seule et même chose. Dogmes répugnant à la raison !… Allons donc ! Mais le dogme chrétien, c’est, en propres termes, ce qu’ont dit Zénon, Aristide, Platon, rien de plus. Vous nous traitez de barbares ; mais, aussi bien que vous, nous cultivons les bons auteurs. » Des croyances particulières à la religion que l’on prêche, pas un mot ; pour inculquer le christianisme, on évite de prononcer le nom de Christ. Minucius Félix, c’est le prédicateur de Notre-Dame, parlant à des gens du monde faciles à contenter, se faisant tout à tous, étudiant les faiblesses, les manies des personnes qu’il veut convaincre, affectant, sous sa chape de plomb, les allures de l’homme dégagé,