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aux guérisons miraculeuses, aux songes[1]. Son attitude est celle de Celse. Au fond, il est épicurien ; il croit peu à la Providence et aux interventions surnaturelles ; mais son attachement à la religion d’État le rend cauteleux.


L’homme et les animaux naissent, s’animent, grandissent par une sorte de concrétion spontanée des éléments, qui ensuite se divise, se dissout, se dissipe. Tout revient sur soi-même, retourne à sa source, sans qu’un être joue en cela le rôle de fabricateur, de juge, de créateur[2]. Ainsi la réunion des éléments ignés fait éclater sans cesse des soleils, puis des soleils encore. Aussi les vapeurs qui s’exhalent de la terre s’agglomèrent en brouillards, s’élèvent en nuages, tombent en pluie. Les vents soufflent, la grêle crépite, le tonnerre mugit au choc des nuées, les éclairs brillent, la foudre éclate ; tout cela à tort et à travers ; la foudre s’en prend aux montagnes, frappe les arbres, touche sans choix les lieux sacrés et les lieux profanes, atteint les hommes coupables et souvent les hommes religieux. Que dire de ces forces aveugles, capricieuses, qui entraînent tout sans ordre, sans examen : dans les naufrages, le sort des bons et des méchants confondus, les mérites ex aequo ; dans les incendies, les innocents surpris par la mort aussi bien que les malfaiteurs ; quand le ciel est infecté de virus pestilentiels, la mort sans distinction pour tous ; au milieu des fureurs de la guerre, les plus braves succombant ; en temps de paix, la scélératesse non seulement égalée à la

  1. « Etiam per quietem deos videmus, audimus, agnoscimus, quos impie per diem negamus, nolumus, pejeramus (§ 7). »
  2. « Nullo artifice, nec judice, nec auctore. »