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sortis des plus basses classes, sans éducation ni science, étrangers à toute littérature, prétendent trancher des questions devant lesquelles, depuis des siècles, la philosophie délibère ? N’est-il pas bien plus sage, laissant là les questions supérieures à notre humilité, de suivre le culte établi par les ancêtres[1] ? Les vieux siècles, grâce à leur ignorance et à leur simplicité, eurent des privilèges, en particulier celui de voir les dieux de près, de les avoir pour rois[2]. En pareille matière, l’antiquité est tout ; le vrai, c’est ce que l’on croit depuis longtemps. Rome a mérité de régner sur le monde en acceptant les rites du monde entier. Comment songer à changer une religion si utile[3] ? Ce culte antique a vu les commencements de Rome, l’a défendue contre les barbares, a bravé au Capitole l’assaut des Gaulois. Veut-on que Rome y renonce pour plaire à quelques factieux qui abusent de la crédulité des femmes et des badauds ?

Grâce à une rare habileté de langage, Cæcilius laisse entendre que tout est fabuleux et cependant vrai dans ce qui touche à la divination, aux cultes,

  1. « Quanto venerabilius ac melius antistitem veritatis majorum excipere doctrinam », § 6. Cf. Celse, dans Orig., Contre Celse, I, 9 ; VIII, 36, 41.
  2. Octav., § 6.
  3. « Religionem tam vetustam, tam utilem, tam salubrem (Octav., § 8). »