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fleuves, de même le monde périrait par la méchanceté des hommes, si la Loi et les prophètes n’y entretenaient la vertu et la justice. L’Église catholique est comme une île préparée par Dieu, au milieu d’une mer d’erreurs. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il y a les hérésies, îles de récifs, sans eau, sans fruits, pleines de bêtes féroces. Gare aux pirates qui vous y attirent et vous y perdent[1] !… Théophile n’est tout à fait triomphant que quand il réduit à néant les calomnies absurdes dont on poursuivait ses coreligionnaires[2]. Ailleurs, il est faible, et Autolyque n’a pas tort, après de tels arguments, de persister dans son incrédulité.

La perle de cette littérature apologétique des dernières années de Marc-Aurèle est le dialogue composé par l’Africain Minucius Félix[3]. C’est le premier ouvrage chrétien écrit en latin, et déjà on y sent que

  1. Ad Autol., III, 14.
  2. Ibid., III, 4-5, 15.
  3. Lactance (Instit. div., V, ch. Ier) le met avant Tertullien. Saint Jérôme, au contraire, De viris ill., 58 (cf. 53 et Epist., 83 ad Magnum, col. 656, Mart.), le met après Tertullien et avant saint Cyprien ; mais le lien avec Fronton ne permet guère de descendre au-dessous de Marc-Aurèle ou de Commode. C’est, d’ailleurs, Tertullien qui imite Minucius, et non Minucius qui imite Tertullien. Voir Ebert, dans les Abhandl. der phil.-hist. Classe der sächs. Ges. der Wiss., V, 319 et suiv. ; Keim, Celsus, p. 151 et suiv. ; Bonwetsch, Die Schr. Tert., p. 21 et suiv. On peut voir des allusions aux massacres de Lyon, dans Octav., 29, 33, 37.