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mède radical est celui d’Épicure, qui tranche du même coup la religion, et son objet, et les maux qu’elle entraîne. Lucien nous apparaît ainsi comme un sage égaré dans un monde de fous. Il ne hait rien, il rit de tout, excepté de la sérieuse vertu[1].

Mais, au temps où nous arrêtons cette histoire, les hommes de ce genre deviennent rares ; on pourrait les compter[2]. Le très spirituel Apulée de Madaure est, ou du moins affecte d’être très opposé aux esprits forts[3]. Il a été revêtu d’un sacerdoce[4]. Il déteste les chrétiens comme impies[5]. Il repousse l’accusation de magie, non comme chimérique, mais comme un fait non fondé ; tout est rempli, pour lui, de dieux et de démons[6]. Le libre penseur était de la sorte un être isolé, mal vu, obligé de dissimuler. On se redisait avec terreur l’histoire d’un certain Euphronius, épicurien endurci, qui tomba malade et que ses parents portèrent dans un temple d’Escu-

  1. Notez son admiration pour Épictète, Adv. indoct., 13.
  2. Lucien classe comme il suit ceux qui adhèrent fatalement à la superstition : 1o la plupart des Grecs lettrés ; 2o la totalité des Grecs ignorants ; 3o la totalité des barbares. Jupiter tragœdus, 53.
  3. De magia (ou Apologie), ch. lvi. Videant irreligiosi, videant et errorem suum recognoscant. Mét., XI, ch. xv.
  4. Florida, 3.
  5. Métam., IX. ch. xiv, fin.
  6. Lire son Apologie et son traité De deo Socratis.