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tique, un de ces soucis d’homme d’État qui dévorent son ami Celse. Son rire est le même que celui des Pères, son diasyrmos fait chorus avec celui d’Hermias[1]. Il parle de l’immoralité des dieux[2], des contradictions des philosophes[3], presque comme Tatien. Sa ville idéale[4] ressemble singulièrement à une Église. Les chrétiens et lui sont alliés dans la même guerre, la guerre contre les superstitions locales, contre les goètes, les oracles, les thaumaturges[5].

Le côté chimérique et utopiste des chrétiens ne pouvait que lui déplaire. Il semble bien qu’il a pensé plusieurs fois à eux en traçant dans les Fugitifs cette peinture d’un monde de bohémiens, impudents, ignorants, insolents, levant des tributs véritables sous prétexte d’aumône, austères en paroles, au fond débauchés, séducteurs de femmes, ennemis des Muses, gens au visage pâle et à la tête rasée, partisans des orgies infâmes[6]. La peinture est moins sombre, mais

  1. Sur les affinités entre les chrétiens et les épicuriens, voir l’Église chrétienne, p. 309 et suiv.
  2. Ménippe, 3 et suiv.
  3. Lire surtout l’Hermotime.
  4. Hermotime, 22-24. Comparez l’Épître à Diognète.
  5. Voir surtout l’Alexandre.
  6. Les Fugitifs, 12, 13, 15, 16, 17, 32, 33. Nous ne parlons pas ici du Philopatris, écrit qui se trouve parmi les œuvres de Lucien, mais que nous rapportons au temps de l’empereur Julien.