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qu’il combattait chez eux. Cet appel au patriotisme ne pouvait donc être entendu. Tertullien dira fièrement : « Pour détruire votre empire, nous n’aurions qu’à nous retirer. Sans nous, il n’y aurait que l’inertie et la mort. » L’abstention a toujours été la vengeance des conservateurs vaincus. Les conservateurs savent qu’ils sont le sel de la terre ; que, sans eux, il n’y a pas de société possible ; que des fonctions de première importance ne peuvent s’accomplir en dehors d’eux. Il est donc naturel que, dans leurs moments de dépit, ils disent simplement : « Passez-vous de nous. » À vrai dire, personne dans le monde romain, au temps dont nous parlons, n’était préparé à la liberté. Le principe de la religion d’État était celui de presque tous. Le plan des chrétiens est déjà de devenir la religion de l’empire. Méliton montre à Marc-Aurèle l’établissement du culte révélé comme le plus bel emploi de son autorité[1].

Le livre de Celse fut très peu lu au temps de son apparition. Il s’écoula près de soixante-dix ans avant que le christianisme s’aperçût de son existence. Ce fut Ambroise, cet Alexandrin bibliophile et savant, le fauteur des études d’Origène, qui découvrit le livre impie, le lut, l’envoya à son ami et le pria de le ré-

  1. V. ci-dessus, p. 185 et suiv., 282 et suiv.