Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/387

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de notre auteur en ce qui regarde le serment au nom de l’empereur. C’était là une simple adhésion à l’ordre établi, ordre qui n’était lui-même que la défense de la civilisation contre la barbarie, et sans lequel le christianisme eût été balayé comme tout le reste[1]. Mais Celse nous paraît manquer de générosité, quand il mêle la menace au raisonnement. « Vous ne prétendez pas sans doute, dit-il, que les Romains abandonnent, pour embrasser vos croyances, leurs traditions religieuses et civiles, qu’ils laissent là leurs dieux pour se mettre sous la protection de votre Très-Haut, qui n’a pas su défendre son peuple ? Les Juifs ne possèdent plus une motte de terre, et vous, traqués de toutes parts, errants, vagabonds, réduits à un petit nombre, on vous cherche pour en finir avec vous[2]. »

Ce qu’il y a de singulier, en effet, c’est que, après avoir combattu à mort le christianisme, Celse, par moments, s’en trouve fort rapproché. On voit qu’au fond le polythéisme n’est pour lui qu’un embarras, et qu’il envie à l’Église son Dieu unique. L’idée qu’un jour le christianisme sera la religion de l’empire et de l’empereur miroite à ses yeux comme aux yeux de Méliton. Mais il se détourne avec horreur d’une telle perspective. Ce serait la pire manière de mourir.

  1. Orig., VIII, 68.
  2. Ibid., VIII, 41, 69.