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parole honteuse, il aurait raison d’endurer tous les supplices plutôt que de le faire[1] ; mais il n’en est pas de même quand on vous commande de célébrer le Soleil ou de chanter un bel hymne en l’honneur d’Athéné. Ce sont là des formes de la piété, et il ne peut y avoir trop de piété. Vous admettez les anges ; pourquoi n’admettez-vous pas les démons ou dieux secondaires ? Si les idoles ne sont rien, quel mal y a-t-il à prendre part aux fêtes publiques ? S’il y a des démons, ministres du Dieu tout-puissant, ne faut-il pas que les hommes pieux leur rendent hommage ? Vous paraîtrez, en effet, d’autant plus honorer le grand Dieu que vous aurez mieux glorifié ces divinités secondaires. En s’appliquant ainsi à toute chose, la piété devient plus parfaite[2].


À quoi les chrétiens avaient droit de répondre : « Cela regarde notre conscience ; l’État n’a pas à raisonner avec nous sur ce point. Parlez-nous de devoirs civils et militaires, qui n’aient aucun caractère religieux, et nous les remplirons. » En d’autres termes, rien de ce qui tient à l’État ne doit avoir de caractère religieux. Cette solution nous paraît très simple ; mais comment reprocher aux politiques du iie siècle de ne l’avoir pas mise en pratique, quand, de nos jours, on y trouve tant de difficultés ?

Plus admissible assurément est le raisonnement

  1. Comp. Orig., I, 8.
  2. Celse, dans Orig., VIII, 24, 65, 66.