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des misérables. Il voit évidemment un grand danger au point de vue de la politique, et aussi au point de vue de sa profession d’homme d’instruction publique, à laisser dire que, pour être cher à Dieu, il est bon d’avoir été coupable et que les humbles, les pauvres, les esprits sans culture, ont pour cela des avantages spéciaux.


Écoutez leurs professeurs : « Les sages, disent-ils, repoussent notre enseignement, égarés et empêchés qu’ils sont par leur sagesse. » Quel homme de jugement, en effet, peut se laisser prendre à une doctrine aussi ridicule ? Il suffit de regarder la foule qui l’embrasse pour la mépriser. Leurs maîtres ne cherchent et ne trouvent pour disciples que des hommes sans intelligence et d’un esprit épais. Ces maîtres ressemblent assez aux empiriques qui promettent de rendre la santé à un malade, à condition qu’on n’appellera pas les médecins savants, de peur que ceux-ci ne dévoilent leur ignorance. Ils s’efforcent de rendre la science suspecte : « Laissez-moi faire, disent-ils ; je vous sauverai, moi seul ; les médecins ordinaires tuent ceux qu’ils se vantent de guérir. » On dirait des gens ivres, qui, entre eux, accuseraient les hommes sobres d’être pris de vin, ou des myopes qui voudraient persuader à des myopes comme eux que ceux qui ont de bons yeux n’y voient goutte[1].


C’est surtout comme patriote et ami de l’État que Celse se montre l’ennemi du christianisme. L’idée d’une religion absolue, sans distinction de nations,

  1. Orig., III, 72, 77.