Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/382

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’autorité de la famille dans l’éducation devait être odieux à un homme qui exerçait peut-être les fonctions de précepteur. L’idée toute chrétienne que Dieu a été envoyé pour sauver les pécheurs révolte Celse. Il ne veut que la justice. Le privilège de l’enfant prodigue est pour lui incompréhensible.


Quel mal y a-t-il à être exempt de péché ? Que l’injuste, dit-on, s’abaisse dans le sentiment de sa misère, et Dieu le recevra. Mais, si le juste, confiant en sa vertu, lève les yeux vers Dieu, quoi ! sera-t-il rejeté ? Les magistrats consciencieux ne souffrent pas que les accusés se répandent en lamentations, de peur d’être entraînés à sacrifier la justice à la pitié. Dieu, dans ses jugements, serait donc accessible à la flatterie ? Pourquoi une telle préférence pour les pécheurs ?… Ces théories ne viennent-elles pas du désir d’attirer autour de soi une plus nombreuse clientèle ? Dira-t-on que l’on se propose, par cette indulgence, d’améliorer les méchants ? Quelle illusion ! On ne change pas la nature des gens ; les mauvais ne s’amendent ni par la force, ni par la douceur. Dieu ne serait-il pas injuste s’il se montrait complaisant pour les méchants, qui savent l’art de le toucher, et s’il délaissait les bons, qui n’ont pas ce talent[1] ?


Celse ne veut pas de prime accordée à la fausse humilité, à l’importunité, aux basses prières. Son Dieu est le dieu des âmes fières et droites, non le dieu du pardon, le consolateur des affligés, le patron

  1. Orig., III, 62, 63, 65, 70, 71.