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Église[1] », qui n’avait d’autre nom que celui de chrétienne. Les extravagances montanistes, les impostures sibyllines[2], ne lui inspirent naturellement que du mépris. Certainement, s’il avait mieux connu l’épiscopat lettré d’Asie, des hommes comme Méliton, par exemple, qui rêvaient des concordats entre le christianisme et l’empire, son jugement eût été moins sévère. Ce qui le blesse, c’est l’extrême bassesse sociale des chrétiens et le peu d’intelligence du milieu où ils exercent leur propagande. Ceux qu’ils veulent gagner sont des niais, des esclaves, des femmes, des enfants[3]. Comme les charlatans, ils évitent autant qu’ils peuvent les honnêtes gens qui ne se laissent pas tromper, pour prendre dans leurs filets les ignorants et les sots, pâture ordinaire des fourbes[4].


Quel mal y a-t-il donc à être bien élevé, à aimer les belles connaissances, à être sage et à passer pour tel ? Est-ce là un obstacle à la connaissance de Dieu ? Ne sont-ce pas plutôt des secours pour atteindre la vérité ? Que font les coureurs de foire, les bateleurs ? S’adressent-ils aux hommes de sens, pour leur réciter leurs boniments ? Non ; mais, s’ils aperçoivent quelque part un groupe d’enfants, de portefaix ou de gens grossiers, c’est là qu’ils étalent leur industrie et se

  1. Celse dans Orig., V, 59.
  2. Ibid., V, 62 ; VII, 9 ; VIII, 45.
  3. Ibid., III, 44 ; VII, 42.
  4. Ibid., I, 27 ; VI, 14.