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prince, qui ne fit jamais la moindre concession à la fausse popularité, fut adoré du peuple[1]. Il était démocrate dans le meilleur sens du mot. La vieille aristocratie romaine lui inspirait de l’antipathie[2]. Il ne regardait qu’au mérite, sans égard pour la naissance, ni même pour l’éducation et les manières. Comme il ne trouvait pas dans les patriciens les sujets propres à seconder ses idées de gouvernement sage, il appelait aux fonctions des hommes sans autre noblesse que leur honnêteté.

L’assistance publique, fondée par Nerva et Trajan, développée par Antonin, arriva, sous Marc-Aurèle, au plus haut degré qu’elle ait jamais atteint. Le principe que l’État a des devoirs en quelque sorte paternels envers ses membres (principe dont il faudra se souvenir avec gratitude, même quand on l’aura dépassé), ce principe, dis-je, a été proclamé pour la première fois dans le monde au iie siècle. L’éducation des enfants de condition libre était devenue, vu l’insuffisance des mœurs et par suite des principes économiques défectueux sur lesquels reposait la société, une des grandes préoccupations

  1. Jules Capitolin, Ant. Phil., 18, 19 ; cf. Fronton, Epist. ad M. Cæs., IV, 12 ; ad Ant. imp., I, 2. La haine contre Commode vint, en partie, de l’amour qu’on avait pour son père. Voir mes Mélanges, p.192.
  2. Pensées, I, 3, 11.